L’ergothérapie est une profession essentielle qui gagne en importance chaque jour, et la Haute École Vinci joue un rôle déterminant dans sa promotion et son développement. À travers notre entretien avec Marc-Éric Guisset et Béatrice Theben, tous deux grands défenseurs des ergothérapeutes, découvrez comment cette discipline, en adoptant une approche biopsychosociale, va bien au-delà du cadre strictement biomédical. Grâce à leur expertise, nous explorons les défis auxquels les ergothérapeutes sont confrontés, leurs rôles en première et deuxième ligne, et les réformes nécessaires pour améliorer leur visibilité et leur reconnaissance.
Le métier d’ergothérapeute reste malheureusement méconnu de nombreuses personnes. Pourtant, les deux experts que nous avons rencontrés, Marc-Éric Guisset, Chef de département Ergothérapie de la Haute Ecole Vinci, ainsi que Béatrice Theben, Vice-Présidente de l’Union professionnelle francophone des ergothérapeutes, s’emploient à démontrer l’importance et la spécificité de cette profession qui joue un rôle déterminant dans les milieux de vie des personnes.
Contrairement à une vision restreinte au domaine biomédical, ils nous ont présenté une perspective plus large et intégrée, mettant en lumière l’approche biopsychosociale de l’ergothérapie.
Ils nous expliquent comment cette dimension est intégrée dans le cursus des étudiants en ergothérapie à la HE Vinci, notamment grâce à la création d’un stage innovant au sein de la communauté et à l’introduction de cours en lien avec la pratique libérale.
Durant cet échange, nous verrons également pourquoi certains ergothérapeutes quittent la profession et quelles pistes privilégier pour les retenir dans ce métier essentiel.
Enfin, à l’aube de la formation de nouveaux gouvernements, nous découvrirons les revendications des ergothérapeutes et comment ils envisagent l’avenir de leur pratique professionnelle.
« Adopter une vision biopsychosociale signifie que l’ergothérapeute considère la personne avant tout comme un habitant et un citoyen, et non uniquement comme un patient »
Le Guide Social : Pouvez-vous expliquer en quoi consiste la dimension biopsychosociale de l’ergothérapie et pourquoi elle est essentielle ?
Marc-Éric Guisset : Adopter une vision biopsychosociale signifie que l’ergothérapeute considère la personne avant tout comme un habitant et un citoyen, et non uniquement comme un patient. Cette perspective implique de détourner le regard de la maladie ou de la pathologie ; celles-ci ne doivent pas monopoliser l’attention.
L’ergothérapeute se concentre plutôt sur la participation de la personne à ses activités quotidiennes, en intervenant sur son environnement physique et social ainsi que sur ses habitudes de vie. Il s’agit d’une approche holistique qui prend en compte l’ensemble de la personne plutôt que de se focaliser uniquement sur la pathologie avec une vision « patho-centrée ».
Cette philosophie est profondément ancrée dans l’ADN de la Haute Ecole Vinci depuis de nombreuses années. En effet, la société évolue vers un modèle où l’on privilégie le « care » (le soin de la personne) par rapport au « cure » (le traitement de la maladie). Malheureusement, l’ergothérapeute est souvent perçu comme un professionnel relevant du biomédical et sa dimension biopsychosociale n’est pas reconnue.
Le Guide Social : Pourquoi pensez-vous que l’image de l’ergothérapie est principalement perçue comme biomédicale ?
Marc-Éric Guisset : Cette perception est en partie due à l’histoire de la profession. L’ergothérapie est née dans un contexte institutionnel et l’arrêté royal qui la régit n’est pas très explicite sur son ouverture vers une approche biopsychosociale.
Par ailleurs, la visibilité des emplois joue un rôle important. Actuellement, de nombreux postes sont ouverts dans des institutions de deuxième ligne, souvent en lien avec des pathologies touchant les personnes âgées, les enfants ayant des déficiences, ou la santé mentale. Ces contextes renforcent l’image biomédicale de la profession.
Or, l’ergothérapie a pour vision de permettre à la personne de fonctionner pleinement dans son environnement. Cela signifie s’engager et participer à la vie quotidienne, indépendamment de la pathologie, et même de manière préventive lorsqu’il n’y a pas encore de pathologie.
« Notre arrêté royal, qui définit nos missions, date de 28 ans. Depuis, le métier a beaucoup évolué »
Le Guide Social : Quand vous dites que l’ergothérapie est née dans un contexte institutionnel et que vous faites référence à l’arrêté royal, que voulez-vous dire par là ?
Marc-Éric Guisset : Lorsque j’ai fait mes études, l’ergothérapie partageait un tronc commun avec la kinésithérapie, centré sur la motricité, et fortement influencé par le modèle biomédical. Notre arrêté royal, qui définit nos missions, date de 28 ans. Depuis, le métier a beaucoup évolué. À la Haute Ecole Vinci, cela fait 15 à 20 ans que nous avons adopté une approche holistique de la personne. C’est pourquoi tout ce qui est centré sur la personne – ce que l’on appelle « oriented care » – est désormais au cœur de nos paradigmes fondamentaux.
Le Guide Social : Pouvez-vous décrire comment la dimension biopsychosociale est intégrée dans le cursus du bachelier en ergothérapie à la Haute École Vinci ? Quels sont les principaux éléments du programme qui préparent les étudiants à une approche biopsychosociale de la profession ?
Marc-Éric Guisset : À la Haute École Vinci, nous nous efforçons de dépasser les limitations de l’arrêté royal pour mieux refléter la réalité du terrain et les évolutions de la profession, en suivant les recommandations internationales.
Ces recommandations encouragent une ouverture vers la communauté et la population, qu’il y ait une problématique de santé ou non. Nous avons donc innové en intégrant un stage dans la communauté au cursus d’ergothérapie.
Durant ce stage, les étudiants rencontrent la population et identifient les difficultés sociales et physiques de leur environnement. Cela leur permet non seulement d’aider les personnes à mieux fonctionner dans leur quotidien, mais aussi de formuler des recommandations aux pouvoirs publics.
« Nous avons également développé des cours en lien avec la profession libérale »
Le Guide social : Pouvez-vous nous en dire plus sur ce stage dans la communauté ?
Marc-Éric Guisset : Lors de ce stage, l’étudiant cible un quartier, une zone rurale ou urbaine, et analyse tous les facteurs socio-économiques, architecturaux, de transport – tout ce qui constitue l’environnement macro, méso et micro. Il évalue comment ces éléments influencent l’intégration d’une personne, indépendamment de ses éventuelles pathologies. L’étudiant réalise un véritable diagnostic de territoire et…
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