Infirmière expérimentée, Véronique Ballieux travaille dans les soins à domicile depuis 30 ans. Un secteur sous-financé, nous dit-elle, qui a connu de fortes évolutions ces dernières décennies. Femme engagée, l’infirmière sociale tient également des permanences à l’ASBL Comme chez Nous pour soigner les personnes sans-abri. Dans sa sphère privée, elle s’investit en tant que bénévole au sein de la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés. Depuis quatre ans, elle héberge des migrants et apporte des soins aux réfugiés blessés lors de leur voyage.
« C’est vrai que j’ai de la chance d’être toujours passionnée par mon métier après 30 ans, nous glissera-t-elle avant de nous quitter. Je me demandais ce que j’allais vous raconter avant l’entretien mais finalement, oui c’est vrai, il y a tellement de choses à dire… ». Jugez plutôt.
« J’ai choisi de devenir infirmière car c’est un métier centré sur l’humain et qui se rapporte au soin »
Le Guide Social : Commençons par le tout début, pourquoi avez-vous choisi le métier d’infirmière et où avez-vous fait vos études ?
Véronique Ballieux : J’ai choisi de devenir infirmière car c’est un métier centré sur l’humain et qui se rapporte au soin. J’aimais beaucoup ces deux aspects mais comme je ne voulais pas travailler en milieu hospitalier, j’ai fait deux années de spécialisation comme infirmière sociale à Saint-Joseph à Gilly après mes deux premières années d’études d’infirmière à Bruxelles. Avec ce diplôme, je pouvais exercer également comme assistante sociale.
Le Guide Social : Dans quels secteurs avez-vous fait vos stages ?
Véronique Ballieux : J’ai fait plusieurs stages dans des secteurs très différents. Mon stage en CPAS s’était bien passé mais le volet « soin » me manquait. J’ai fait un stage de médecine en entreprise aux ACEC (ateliers de constructions électriques) à Charleroi. Comme il s’agissait d’une usine, les ouvriers pouvaient présenter des petits et gros bobos. Des accidents avec les machines pouvaient également survenir. Nous intervenions aussi dans le cadre des examens médicaux d’embauche, de la reprise du travail après une maladie de longue durée ou encore dans le cadre de la surveillance des risques liés au travail par exemple au niveau de l’ouïe. Il y avait deux médecins attitrés et des infirmières.
J’ai réalisé également un stage en médecine scolaire au centre de santé de Thudinie à Solre-sur-Sambre, des stages à l’ONE et dans les crèches et les milieux d’accueil pour les enfants ainsi que dans les Soins à Domicile. J’ai tout aimé.
Le Guide Social : Et dans quel domaine avez-vous décidé de travailler ?
Véronique Ballieux : Mes études ont été tellement difficiles humainement et psychologiquement ─ car ce n’est pas évident d’être confronté si jeune à la maladie et à la mort ─ que lorsque j’ai été diplômée à mes 22 ans, je n’ai pas travaillé pendant sept ans. Je me suis mariée, j’ai eu trois enfants et quand la plus jeune est entrée en maternelle, j’ai seulement commencé ma vie professionnelle. J’avais 30 ans.
La Croix Jaune et Blanche qui est devenue par la suite l’ASD m’a proposé un temps partiel pendant les vacances à Sivry et c’est comme ça que j’ai commencé le travail à domicile. Trente ans plus tard, j’exerce toujours.
Après 17 années passées à Sivry et et plus globalement dans la Botte du Hainaut, j’ai rejoint l’équipe de l’ASD de Namur. J’y suis restée durant 11 ans. Et depuis un an, je suis revenue à l’ASD du Hainaut Oriental et je suis affectée à l’antenne d’Anderlues qui s’étend de Lobbes à Marchienne-au-Pont en passant par Anderlues, Fontaine-l’Evêque, Trazegnies…
« Les SDF viennent parce qu’ils présentent des plaies, des blessures, des ampoules aux pieds. Certains ont des poux, d’autres de l’eczéma »
Le Guide Social : Vous exercez également votre métier au sein du secteur associatif, en quoi consiste votre investissement ?
Véronique Ballieux : L’ASD a reçu une demande de collaboration de l’ASBL Comme chez Nous pour que des infirmières tiennent une permanence au Rebond, son centre de jour. Cette salle accueille et accompagne les personnes adultes sans-abri. Plusieurs d’entre nous se sont portées volontaires. Actuellement, nous sommes trois à assumer la permanence.
Le Guide Social : Comment s’organise cette permanence au Rebond ?
Véronique Ballieux : Nous avons lancé cette permanence en juin 2020, à raison d’un après-midi par semaine, tous les lundis. Il n’y avait pas d’infirmière attitrée lorsque nous avons commencé. Désormais l’association a engagé une infirmière à temps partiel.
Au début, très peu de personnes se présentaient à la permanence. Mais au fil des semaines, nous avons pu nous inscrire dans la continuité et créer une relation de confiance avec les personnes accueillies. J’ai passé beaucoup de temps dans la salle d’accueil pour discuter avec elles. A partir de l’automne, nous avons commencé à être de plus en plus sollicitées.
Le Guide Social : Pour quelles raisons les sans-abri viennent vous voir ?
Véronique Ballieux : Ils viennent parce qu’ils présentent des plaies, des blessures, des ampoules aux pieds. Certains ont des poux, d’autres de l’eczéma. Certains ont besoin d’un anti-douleur, d’un sirop pour la toux ou d’un bain bouche car ils ont une infection buccale ou dentaire.
Au début, l’essentiel de nos interventions portaient sur des petits soins. Avec l’arrivée de l’infirmière attitrée, des suivis médicaux ont été mis en place. L’infirmière prend des rendez-vous chez des médecins spécialistes, dans des Maisons Médicales et parfois même accompagne les patients pendant que nous assurons la permanence.
Notre travail consiste également à gérer les médicaments notamment dans le cadre de traitement en santé mentale. Nous gardons les piluliers à l’ASBL et les bénéficiaires viennent chercher leurs médicaments tous les jours.
Actuellement il arrive aussi que nous devions réaliser des tests Covid à des personnes présentant des symptômes et s’ils sont positifs il faut alors organiser leur quarantaine, ce qui n’est pas évident pour des personnes sans abri.
Parfois, même à deux, on n’arrête pas une seconde.
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